Kako to ima (Japon, Kyoto)

Sur les rives de la Kamo-gawa, le quartier de Ponto-chō incarne un principe fondamental de l’urbanisme japonais : la superposition, plutôt que la substitution. Au premier plan, les machiya — ces maisons de ville en bois, aux façades étroites mais profondes — constituent l’épine dorsale historique de Kyoto. Conçues selon une logique d’impôt foncier (calculé autrefois sur la largeur en façade), elles abritaient artisans, commerçants, puis maisons de thé et ryōtei. Aujourd’hui, certaines accueillent encore des geiko (geishas de Kyoto) et leurs apprenties, les maiko, pour des soirées confidentielles à l’abri des regards.

Leur implantation le long de la rivière répond à une double logique : protection contre les crues (d’où les pilotis) et création d’espaces de contemplation tournés vers l’eau, notamment lors de la saison des terrasses d’été (kawayuka). En arrière-plan, la ville moderne affirme son utilité brute : immeubles en béton brut, escaliers métalliques extérieurs (réglementaires en cas de séisme), unités de climatisation visibles — autant d’éléments tolérés dans l’esthétique urbaine locale, où le fonctionnel n’est pas perçu comme une faute de goût.

Ici, l’harmonie ne réside pas dans la ressemblance mais dans la cohabitation des temporalités : kako to ima, le passé et le présent, liés non par la nostalgie, mais par une forme d’acceptation mutuelle. Le Japon ne restaure pas pour figer, il préserve pour continuer.