À perte de ville (Japon, Tokyo)

La nuit à Tokyo n’efface rien — elle révèle. D’en haut, les tours de Shinjuku, d’un côté, et la Tokyo Tower de l’autre, balisent un paysage urbain saturé d’éclats. Pas de pause, pas de silence : chaque lumière reste allumée comme le prolongement d’une pensée, d’un code, d’une existence. Dans le ciel, des points rouges clignotent en cadence. Ce ne sont pas des étoiles : ce sont les obstruction lights, ces signaux lumineux imposés par la réglementation aérienne pour prévenir les collisions dans une ville où les gratte-ciels tutoient les couloirs aériens.

La Tokyo Tower, haute de 333 mètres, fut inspirée de la Tour Eiffel mais repeinte en rouge et blanc, comme exigé par les normes japonaises de sécurité. Depuis 1958, elle signale plus qu’un point de repère : elle veille, presque comme un totem technologique.

Cette image ne montre personne. Pourtant, elle contient tout le monde. Car ici, la densité devient présence. Et Tokyo, plus qu’une ville, devient une entité éveillée, une conscience sans sommeil.